29.09.25
Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) s’alarme du revirement du Ministère de la santé concernant l’article 58 de la LFSS 2023, qui ouvre la possibilité à une dissociation entre aides auditives et prestations dans le secteur de l’audioprothèse.
Cette évolution normative, en contradiction avec les engagements initiaux du ministère, soulève une forte incompréhension tant sur sa pertinence médico-économique que sur sa compatibilité avec les spécificités du secteur. Une telle réforme nuirait en effet gravement à l’accès aux soins, affaiblirait le suivi des patients, et favoriserait une dérive commerciale dangereuse.
Le SDA plaide a contrario pour une reconnaissance conventionnelle des professionnels en tant qu’auxiliaires médicaux, conformément à leur nature opérateur-dépendante et aux standards en vigueur dans d’autres filières de soins.
Ce 28 août 2025, dans une interview donnée à Audiologie Demain, la Direction de la Sécurité sociale (DSS) est revenue sur « l’article 58 de la LFSS pour 2023 [qui] rend obligatoire, d’ici fin 2025, la dissociation entre le produit et les prestations pour l’ensemble de la LPP, audioprothèses inclues », en rappelant qu’il s’agit d’une « mesure générale concernant l’ensemble de la Liste des produits et prestations (LPP) » afin d’obtenir une « individualisation entre la valorisation d’un produit et les prestations associées ». « Tout cela va prendre du temps et la LPP compte de nombreuses nomenclatures, incluant des milliers de produits et parfois des prestations associées » a-t-elle ajouté, en précisant que « la dissociation ne signifie pas forcément la fin d’une forfaitisation »1.
Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) est stupéfait de ces annonces inattendues. En effet, fin 2022, la DSS avait précisé que l’article 58 en question « n'aurait aucun impact sur les dispositifs du 100 % Santé, et qu'il n'y avait aucune vocation à changer cela »2. Lors des discussions sur le PLFSS pour 2023, le ministre de la Santé, François Braun, avait confirmé au sein de l’hémicycle que « la mesure proposée, qui porte sur l’encadrement des remises commerciales et la fixation réglementaire des marges, n’a pas vocation à remettre en cause les modalités du 100 % Santé », avant d’ajouter que « la fixation et la répartition des marges entre le fournisseur et le distributeur au détail sont, de fait, laissées aux acteurs. (…) En ce qui concerne le panier de classe A, un tarif de remboursement et un prix limite de vente existent déjà » et de conclure : « en ce qui concerne les audioprothésistes, sachez que nous sommes en train d’instruire le dossier »3.
Dès la mise en place du 100 % santé en 2018, le SDA a détaillé les bénéfices pour le patient du financement indissociable appareil-prestations4. Le SDA demeure fermement opposé à la vente de l’aide auditive par un acteur et l’adaptation et/ou le suivi par un autre. Alors que la rémunération forfaitaire des professionnels de santé tend à se développer dans notre système de soins, le modèle d’un financement indissociable appareil/prestations, qui a cours sur tous les marchés privés européens, doit être conservé. Il s’agit de la meilleure solution dès lors que l’on est vigilant sur l’effectivité du suivi. Toute « dissociation » permettant la vente d’un aide auditive sans prestation serait en revanche néfaste à l’observance thérapeutique, particulièrement pour les patients fragiles qui nécessitent un accompagnement renforcé, et engendrerait des surcoûts significatifs pour l’Assurance Maladie.
L’inadéquation de cette réforme de la LPP à notre profession souligne surtout précisément l’anachronisme de l’actuel cadre juridique - celui des « distributeurs » de la LPP régi par les conventions prévues à l’article L. 165-2 du code de la sécurité sociale (CSS) - liant la profession d’audioprothésiste et l’Assurance Maladie. De fait, les audioprothésistes sont reconnus par le Code de la santé publique (CSP) comme des « auxiliaires médicaux » et sont ainsi éligibles à l’établissement d’une convention « professionnelle » au titre de l’article L. 162-9 du CSS. Rien ne s’oppose donc juridiquement à ce qu’ils puissent bénéficier d’une convention professionnelle similaire à celles qui lient déjà plusieurs des professions appartenant à cette catégorie à l’Assurance maladie et reconnaissant spécifiquement la valeur des prestations d’adaptation initiale et de suivi créées par leur activité. À l’appui de cette affirmation, l’activité des audioprothésistes est, au même titre que les autres professions d’auxiliaires médicaux telles que les infirmiers ou les masseurs-kinésithérapeutes, majoritairement composée de prestations intellectuelles, comme l’a souligné l’Autorité de la concurrence5 dans des termes non équivoques.
Cette évolution normative, en contradiction avec les engagements initiaux du ministère, est d’autant plus surprenante que des questionnaires de suivi de la qualité étaient prévus dans l’Arrêté du 14 novembre 20186, pris pour la mise en place du 100 % santé audiologie. A ce jour, ces questionnaires, très attendus, ne sont toujours pas déployés alors que le SDA estime qu’ils permettraient de contrôler la qualité des prestations délivrées par les audioprothésistes. En outre, malgré les nombreux appels à une régulation de la publicité en audioprothèse7, il est toujours constaté un déferlement de communication promotionnelle non sanctionnée qui, souvent, ne respecte ni la réglementation, ni la Convention signée entre la profession et l’Assurance Maladie8. Veut-on, en cas d’une hypothétique « dissociation » voir fleurir demain des « offres » telles que « votre prestation d'appareillage à la carte avec nos différentes formules : choisissez parmi nos forfaits le nombre et le contenu de vos rendez-vous » ?
Une « dissociation » n’apporterait aucune économie contrairement à une régulation de la publicité, ni aucune amélioration de la qualité des prestations contrairement à la mise en place des questionnaires de satisfaction. Face au choc démographique à venir de l’arrivée au grand âge des cohortes nombreuses du « baby boom », s’il n’y a pas de levier sur le vieillissement lui-même, il y en a un en matière de prévention, notamment grâce aux politiques du « bien vieillir ». La compensation du déficit auditif a un intérêt préventif majeur, insuffisamment considéré bien que démontré par des évaluations médico-économiques qui mettent en évidence des rendements sur investissement exceptionnels, de l’ordre de ceux constatés avec la vaccination.
Toute mesure diminuant l’observance et/ou le taux d’équipement, irait à rebours du virage de la prévention, une priorité de l’assurance maladie et des complémentaires santé, et serait néfaste pour nos comptes sociaux.